ASA Miramar

Entre ciel et mer

Historique de l'Association Miramar

Des bois d'une seigneurie à un lotissement en azurie
ou les lointaines origines
du Domaine de Miramar de l'Estérel :

Situé sur le pourtour littoral de l’ Estérel, massif volcanique datant de l’ ère primaire ou paléozoïque (moins 441 à moins 252 millions d’années) caractérisé par ses roches porphyriques de rhyolithe rouge ; et connu depuis la plus haute Antiquité par les navigateurs utilisant ses caps comme autant de points de repères, ainsi que par les voyageurs empruntant la Via Aurelia , voie romaine de la côte méditerranéenne parcourant la contrée ; le périmètre du territoire actuellement recouvert par Miramar constitua, durant toute la période de l’Ancien Régime, une dépendance de la seigneurie de la Napoule, successivement aux mains, à partir du XIII° siècle, de l’éminente famille de Villeneuve appartenant à la noblesse provençale, puis, à partir de 1719, aux marquis de Montgrand de Mazade.

A maintes reprises au fil des siècles, les seigneurs s’efforcèrent d’en assurer le peuplement par la conclusion avec des chefs de familles d’origine liguriennes ou sardes, d’actes d’habitation , contrats synallagmatiques de concession collective ayant pour but la fondation d’un village moyennant la remise de terres ainsi que d’un certain nombre de droits et garanties d’ordre économique permettant la constitution d’une communauté villageoise au lieu d’installation désigné, voyant se créer, se maintenir, ou être relancé l’embryon du village de la Napoule, à l’origine au sommet du mont San Peyre, puis au bord de la mer à son emplacement actuel.

De nombreuses fois pillé, détruit, ou abandonné selon les vicissitudes de l’histoire, entre invasions barbaresques, guerres, et maladies provoquées par les miasmes paludéens telles que la malaria, le village, voit les mêmes sort et destinée suivis par son terroir littoral adjacent et ses bois plus à l’ouest dans l’Estérel, dont dépendent et font partie Théoule, comme le très futur Miramar.
Construction de la villa Tchad en 1933
Son usage est alors essentiellement maritime, en raison de l’existence du privilège seigneurial concédé entraînant propriété, non pas seulement du rivage, mais aussi de la mer elle-même, sur une étendue de cent libans, pour la pêche, notamment aux thonidés dans la baie de la Figueirette (dont le toponyme provençal, Figueyretto, désigne un lieu où se trouvent des figues) au XVII° siècle, grâce aux filets appelés madrague ; ainsi que terrestre, outre la chasse et la cueillette, pour l’exploitation forestière, et notamment le bois d’œuvre et de chauffage fourni par les pins maritimes – dont les plus beaux spécimens sont réservés à l’usage de la Marine Royale pour la construction des navires et vaisseaux du Roi, ou des chênes lièges destinés à différents usages, dont la bouchonnerie.

Une troisième et dernière utilisation de cette contrée inhabitée était constituée par un rôle de surveillance et de défense côtière dévolue à la tour ou batterie édifiée sur la pointe de l’Esquillon (dont le toponyme provençal, Esguillon , ou Esquille, ou bien encore Aiguillon, signifie une avancée de terre dans la mer, telle une aiguille , une épine ou une écharde ; se retrouvant dans la langue italienne sous le vocable lo scoglio correspondant au rocher ou à la roche en langue française ) ayant eu un rôle immémorial de relais signalétique maritime de loin en loin le long de la côte, entre les îles de Lérins, d’une part, et le Cap Roux, d’autre part ; au moyen de feux allumés grâce aux rameaux résineux aisément inflammables des branches de pins maritimes.
Lors du changement de régime politique intervenu à partir de 1789, voyant la monarchie catholique française appuyée sur une aristocratie foncière, devoir céder le pas à une autre forme d’organisation institutionnelle étatique, le dernier seigneur local est un enfant de treize ans , orphelin de père, le marquis Jean Baptiste de Montgrand de Mazade (1776 – 1847) qui se voit lancé sur les routes de l’exil, auquel il est contraint par son titre et rang de naissance – en contradiction flagrante avec les principes de non discrimination nouvellement affirmés – muni, pour tout viatique, de son précepteur et d’un chien, avec lesquels il cheminera à pied jusqu’en Italie, à Vérone, en Vénétie, où il vivra en Emigration durant plus d’une décennie.

S’il recouvra, en 1815, lors de la Restauration et du rétablissement de la monarchie légitime, une partie de son ancienne seigneurie, dont les ruines du château de la Napoule incendié ; il ne rentrera toutefois jamais en possession des bois situés à l’Ouest, lesquels, entre temps, avaient été vendus, une fois nationalisés sans indemnité, comme Biens Nationaux à une famille de forestiers originaire de Montauroux, qui devait en poursuivre pour son compte le même cycle d’exploitation des bois du tènement devenu sa propriété et s’étendant, d’Est en Ouest, le long du littoral depuis le vallon de la Rague, jusqu’à la limite de la forêt domaniale de l’Estérel formée par les anciens bois de l’évêque de Fréjus ; et constituée par le territoire actuel de la commune de Théoule sur Mer, majoré de la totalité du Trayas supérieur.

Cette situation devait perdurer jusqu’en 1864, date à laquelle, concomitamment au passage du chemin de fer dans la contrée, et à la faveur du développement économique du Second Empire, s’en rend acquéreur un haut dignitaire du régime impérial, Louis Frémy (1805- 1891), grand officier de la Légion d’Honneur, gouverneur du Crédit Foncier de France, proche tant du couple impérial que du baron Haussmann, et pris pour modèle par Emile Zola pour servir au personnage du banquier Saccard dans son œuvre romanesque Les Rougon – Macquart .
Le lotissement en 1934
Extension de la villa Tchad sur l'avenue Van Loo
Quoique la commune renommée locale veuille avec insistance l’avoir vu agir dans cette acquisition foncière, pour le compte de l’Impératrice Eugénie, Louis Frémy n’entreprendra rien de son nouveau et vaste domaine sous le Second Empire, et c’est finalement au Cap Martin, entre Monte Carlo et Menton, qu’ultérieurement, la dernière souveraine française du XIX° siècle établira sa résidence d’hiver, y faisant édifier la villa Cyrnos, ainsi dénommée d’après le nom antique de la Corse.

A partir de 1875, de nouvelles nécessités économiques voient le jour pour Louis Frémy n’étant plus en cour auprès du nouveau régime politique français, le conduisant, après quelques aménagements tel que la création d’un chemin à peu près carrossable, à procéder, en 1878, au fractionnement de son domaine théoulien en une demi douzaine de vastes lots de terrains de plusieurs dizaines d’hectares chacun, dont le fruit de la cession lui permet amplement de recouvrer le montant de son investissement initial, tout en conservant la portion ouest du domaine depuis les crêtes de la pointe de l’Esquillon, de part et d’autre de la baie de la Figueirette, jusqu’à la lisière de la forêt domaniale de l’Estérel, représentant une superficie d’environ 250 hectares.
Lors de sa disparition, le domaine désormais dénommé de la Figueirette, passé aux mains de ses créanciers, constitués par un groupe de notables légitimistes de l’ouest de la France, et de bonapartistes parisiens, dont l’un des descendants du maréchal Ney ; échoira à la société anonyme La Foncière Rurale, constituée ad hoc sous l’égide du notaire vendéen Charles Richard qui en prendra la maîtrise complète en 1908 .

Entre temps, était intervenu un évènement majeur, la construction, de 1901 à 1903, à l’initiative du Touring Club de France, première association touristique du pays (avec le Club Alpin Français) , de la Corniche d’Or, route côtière reliant les villes de Cannes et Saint Raphaël le long du littoral de l’Estérel, et désenclavant la contrée jusqu’alors uniquement accessible par de modestes chemins et simples sentiers, en permettant la découverte aux promeneurs, mais non pas l’utilisation à une autre échelle, conformément aux souhaits et besoins d’une plus vaste ampleur manifestés par le développement du tourisme.
Vue du lotissement en construction
Les premières villas du boulevard de l'Esterel
Vue du lotissement à partir du Trayas dans les années 1960
Et dont témoigne, lors de la souscription publique ayant permis d’édification de la voie de communication, au milieu d’une myriade d’autres parfois humbles et anonymes, mais agissants, l’engagement des membres des colonies russes et britanniques hivernants sur la Côte d’Azur tels que le prince Bariatinsky, ou lord Amherst of Hackney , qui, depuis leurs villas respectives de Saint Raphaël, s’impliquent en y souscrivant ; tandis que sur la fraction du tracé comprise entre l’Esquillon et la Galère, ce ne sont pas moins de deux cent ouvriers, principalement transalpins – piémontais et toscans – qui s’activent ; pics, barres à mines, pelles et pioches en mains, comme à grand renfort d’explosifs parmi la roche.

A l’instar de la majorité des propriétaires fonciers du tracé routier, en consentant à la cession gratuite de l’emprise foncière routière, la société La Foncière Rurale devait ainsi voir le franchissement de son domaine par la traversée de la route donner une nouvelle impulsion à sa mise en valeur contribuant à son développement : dès 1904 en effet, le bord de mer compris entre l’emplacement actuel du port de la Figueirette et la limite départementale était loti jusqu’aux confins de la ligne ferroviaire, recouvrant ainsi, là encore, le montant de l’acquisition originaire.
A la faveur du tourisme naissant dans cette contrée , et en pressentant le développement imminent, c’est avec une préscience d’une exceptionnelle acuité que les propriétaires de chacun des deux versants est et ouest de la pointe de l’Esquillon ; respectivement Paul & Marguerite Pierron, pionniers, fondateurs et mécènes des quartiers de La Galère, Théoule supérieur, et l’Esquillon ; comme Charles & Lucile Richard (cf. ut supra), décidèrent conjointement, en faisant œuvre visionnaire, de procéder, dès 1908, à la donation au Touring Club de France du sommet et de la dent de l’Esquillon, dyke d’ignimbrite porphyroïde surplombant la mer tout en offrant un panorama aussi unique qu’exceptionnel ; la donation étant tout à la fois destinée à permettre l’accès du public au site, comme d’en assurer la protection, et ce avant même le vote du premier texte législatif de protection des sites intervenu en 1913 .

Le rôle moteur allait être dévolu et revenir à la famille Vert – Bisson, qui en se rendant acquéreur des quelques 250 hectares du domaine auprès de Charles Richard, en 1912, devait mener l’opération de création de Miramar de l’Estérel en réalisant à grand renfort de travaux d’infrastructures colossaux, les aménagements et la viabilité du lotissement.

C’est ainsi que voient notamment le jour le boulevard de l’Esquillon , ou sur des murs de soutènement en pierre de taille maçonnés, surmontés de parapets, ornés de caniveaux pavés, et de trottoirs de pierres de taille d’un blanc marmoréen franchissant une demi douzaine de viaducs établis en porphyre bleu faits d’estérelite du Dramont, sur des largeurs de plus de huit mètres de plusieurs kilomètres de long, dépassant en importance et supplantant en qualité les travaux de la voierie publique de la Corniche d’Or, dont les assises sont alors principalement faites de pierres sèches, de modeste garde – corps , et ne dépassant que rarement les trois mètres de large ; le lotissement qui est inauguré au printemps 1914, et qui dispose en outre de l’eau et de l’électricité, comme du téléphone, mérite alors bien le qualificatif lui étant attribué de lotissement de luxe.

Le déclenchement du conflit mondial, loin de l’affecter , lui procurera , tout au contraire, ses premiers acquéreurs arrivant dès 1916, au travers d’une trilogie époustouflante : Le premier d’entre eux n’est autre que Louis Pasteur Vallery Radot (1886 – 1970) , petit fils de l’illustre savant et lui-même médecin, mais aussi par la suite membre de l’Académie de Médecine, de l’Académie Française, président du comité médical de la Résistance, ministre de la santé publique, député de Paris, membre du Conseil Constitutionnel ; le second, en 1917, sera Vincent de Montgolfier, descendant des célèbres aérostiers et industriel papetier renommé, qui édifiera l’une des plus somptueuses villa du site ; puis, en 1918, viendra l’homme de lettres Henri Barbusse (1873 – 1935), lauréat du prix Goncourt 1916 pour son roman « Le Feu, journal d’une escouade » retraçant l’enfer de la guerre à laquelle il participe dans les tranchées, prix littéraire grâce au montant duquel il édifiera la villa Vigilia en surplomb de la double crique de sable fin particulière unique baignant la villa.
À suivre…